La Guyenne a perdu de sa superbe (que hès, liupard ?-)).
Comme la Gascogne, elle a disparu des cartes administratives à la Révolution française.
Gasconha.com défend l’idée que la Gascogne est faite de tous les territoires qui ont parlé gascon.
Donc, le Bordelais est largement gascon (y compris l’Entre-deux-Mers avec son "Sauveterre de Guyenne" !).
Mais pas du tout, le Bordelais est en Guyenne ! nous répondront ceux qui n’ont pas intégré le critère lingüistique proné par Gasconha.com.
Et c’est vrai que la Guyenne de l’ancien régime incluait le Bordelais, nommée aussi "petite Guyenne" par opposition avec la "grande Guyenne" qui allait du Bordelais au Rouergue.
"Visages de la GUYENNE" (1953), disponible au rayon régional de la bibliothèque de Tonneins, et sans doute de bien d’autres,

EDITIONS DES HORIZONS DE FRANCE, PARIS
présente cette Guyenne qui allait du Rouergue jusqu’à Bordeaux... et Biscarrosse ! [1]
La première partie, de Paul Fénelon, "Géographie humaine de la Guyenne", explique la cohérence de cette grande Guyenne, bande de 400 km d’est en ouest :
"La Guyenne a traversé les siècles parce qu’elle correspondait à une réalité géographique, qui nous échappe peut-être en raison des modifications profondes survenues dans les modes de vie et de circulation, mais qui représentait une réelle valeur quand routes et voies ferrées n’avaient pas encore orienté la France du Midi vers le Bassin Parisien."
"C’est à la convergence vers Bordeaux et la Gironde des cours d’eau descendus du Massif Central que la Guyenne a dû son unité au Moyen Age et au début des Temps Modernes."
"Le Tarn, l’Aveyron, le Lot et la Dordogne, avec leurs affluents, rattachaient ainsi à la vallée de la Garonne des pays aux ressources diverses ; d’une part, ils ouvraient le sud-ouest du Massif Central vers le Bassin Aquitain ; de l’autre, ils laissaient pénétrer vers les hautes terres du Rouergue les influences de l’Océan."
"Des routes et des sentiers, établis sur les croupes et les plateaux, doublaient les cours d’eau et permettaient aux piétons, aux cavaliers et aux animaux de bât d’éviter les sinuosités et les caprices des rivières.
La route nationale n° 111, qui, de Millau, gagne Rodez et Cahors par la « Dorsale du Ségala » et les causses du Quercy, puis atteint la vallée de la Garonne à Tonneins, peut être considérée comme l’axe de la circulation à travers l’ancienne province."
On devine que si les parlers d’oc considérés comme "languedociens" (mais parfois on isole un sous-groupe "nord-languedocien" ou "guyennais") dévalent, comme les cours d’eau, du Rouergue vers le Quercy, l’Agenais et le Bergeracois, c’est aussi une conséquence de cet axe guyennais d’échanges humains.
Ainsi, l’axe guyennais, le long de la Dordogne, du Lot, de l’Aveyron, est une réalité géographique de même type que l’éventail gascon, formé par les cours d’eau qui dévalent des Pyrénées, en deux bassins principaux, celui de la Garonne et de l’Adour.
Le Bordelais peut alors être vu comme une intersection, comme le confluent final de la Gascogne et de la Guyenne.
On pourrait alors faire l’hypothèse que l’effacement de la Guyenne, plus prononcé que l’effacement de la Gascogne, a réancré le Bordelais en Gascogne, ce qui remet en selle notre triangle gascon, un temps chevauché par la Guyenne !
Gasconha.com peut alors défendre, en plus du triangle gascon, l’axe guyennais tangent à la Garonne.
Cet axe guyennais, de même qu’il fraye avec la Gascogne sur son aval gauche, fraye avec le Limousin sur son aval droit.
Rien de mieux que des cartes pour illustrer tout ça !

Par rapport à la carte donnée par "Visages de la Guyenne", un peu trop dépendante des contours administratifs de l’Ancien Régime, la Guyenne est ici "ovalisée" en retirant les landes de Gascogne, le Périgord limousin et le sud du Rouergue.
A première vue, il serait logique que le bassin du Tarn y soit inclus. Est-ce l’influence de Toulouse qui l’en aurait retiré ?
Une analyse des isoglosses des parlers d’oc permettrait d’y voir plus clair : rien de mieux que l’observation de la langue pour connaitre l’histoire humaine !

La pointe languedocienne qui s’enfonce vers Bordeaux correspond à la Guyenne.
Et après ces quelques lumières sur l’histoire de la Guyenne, reste aux guyennais à en écrire l’avenir, s’ils veulent !