Re : Que faire pour nos langues ? Jean Lafitte [Forum Yahoo GVasconha-doman 2013-02-16 n° 10754]

- Jean Lafitte

Adixat amics,

Commentant un message de moi où je constatais la disparition
sociale des idiomes d'oc, comme de toutes les "langues
régionales" de Métropole, Jean-François Blanc a
écrit
dans Gasconha-doman@ yahoogroupes. fr,
jeudi 14 à 18 h 17 :

« C'est un constat amer de défaite. Laissons crever notre langue, et proposons une identité fantasmée à l'aide de quelques bribes d'histoire déjà ancienne.
« Tout ça pour ça... »

Pour moi, le fantasme était dans l'« occitan », langue d'une «  Occitanie » éternelle comme « la France éternelle », ou comme aujourd'hui le « Béarn toustém » de certains.

D'amertume, je n'en ai point, ne regrettant rien de mon passage par l'Institut d'études occitanes qui à Paris et en Béarn m'a donné les moyens d'apprendre la langue de mes pères, puis de l'enseigner.

Mais ce n'est pas pour apprendre « la vaque qu'a veterat yé sé » ou « qu'anirèy ta Pau doumân ta ha croumpes ». Car lorsque le 15 mars 1997 je vins à Orthez auprès de mon ami Roger Lapassade lors du colloque organisé en son honneur, je ne pus parler béarnais avec les (charmantes) jeunes filles que la ville avait chargées de nous servir à table. Et j'entendis sur l'empoun une autre gouyate prononcer [bestios] accentué sur le i ce que Lapassade avait écrit « bèstias » dans un poème.

Constater cela dans la Mecque de l'occitanisme béarnais m'avait déjà enlevé bien des illusions.
Mais je n'aurais pas dû en avoir, puisque
dans l’édition 1978 de son Que sais-je ? La langue occitane, en un texte rédigé après 1972, le Pr. Pierre Bec, alors président de l’Institut d’études occitanes, avait déjà annoncé la mort prochaine de tous les parlers d’oc (p. 121) :

« On
peut penser que la langue abandonnée à sa simple résistance
naturelle, en est à
son dernier soupir et que les hommes de notre génération
pourront assister à sa
mort. La mort de l’occitan est écrite dans le procès entamé
depuis des siècles
et de plus en plus accéléré depuis vingt ans. »

Et en 2000, notre ami Jean Sibille,
alors chargé de mission pour les langues
régionales à la Délégation générale à la langue française,
achevait sur le même ton sa communication à un colloque de mai
de cette année :

« … on peut
prévoir que la pratique vernaculaire héritée aura totalement
cessé dans une trentaine
d’années. » 

Nous y sommes arrivés, ou presque, et ce n'est pas
l'article si bien documenté de Fabrice Bernissan (Revue de
linguistique romane, juillet-décembre 2012) qui pourrait le
démentir.


Il n'empêche qu'enseignant le gascon pour la 24ème année, j'y
trouve trouve toujours plus de plaisir, ayant le bonheur de
m'adresser à des auditeurs qui ne cachent pas l'intérêt qu'ils
portent à la langue telle que je l'enseigne, car je cherche à
partager le plaisir que j'éprouve moi-même à la connaitre, et
derrière elle, la finesse de nos anciens, telles que me la
montrent mes études.
Et c'est parce que ces auditeurs, pour la plupart passés par
l'enseignement supérieur, ne sont pas du genre à s'en laisser
compter, que je crois à l'avenir d'un enseignement de ce genre.

J'ajoute pour finir que je suis pleinement d'accord avec l'ami
Daniel Séré dans son message du Gasconha-doman d'aujourd'hui
samedi.

Amistats a touts,

J.L.

Un gran de sau ?

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